L’hétéropie, concept de Michel Foucault, est cet espace, qui se place entre le concept et le physique, c’est l’utopie réalisée, comme le définit Foucault : « Il y a également, et ceci probablement dans toute culture, dans toute civilisation, des lieux réels, des lieux effectifs, des lieux qui ont dessinés dans l’institution même de la société, et qui sont des sortes de contre-emplacements, sortes d’utopies effectivement réalisées dans lesquelles les emplacements réels, tous les autres emplacements réels que l’on peut trouver à l’intérieur de la culture sont à la fois représentés, contestés et inversés, des sortes de lieux qui sont hors de tous les lieux, bien que pourtant ils soient effectivement localisables. Ces lieux, parce qu’ils sont absolument autres que tous les emplacements qu’ils reflètent et dont ils parlent, je les appellerai, par opposition aux utopies, les hétérotopies ; et je crois qu’entre les utopies et ces emplacements absolument autres, ces hétérotopies, il y aurait sans doute une sorte d’expérience mixte, mitoyenne, qui serait le miroir. Le miroir, après tout, c’est une utopie, puisque c’est un lieu sans lieu »**. Dans la progression, de l’utopie à l’hétérotopie, il y a l’aperçu d’une émancipation probable des constructions territoriales et sociétales, dans l’aller-retour constant entre le concept et son application, créant un état organique, part de deux statuts différents. Des possibilités d’émancipation, à la fois dans l’idée, dans les faits réalisables et dans l’entre-deux, comme peuvent le faire les micro-nations, s’affranchir des frontières pour construire les siennes, paradoxalement devoir créer de nouvelles limites pour se sentir libre de celles déjà présentes. Créer un sol, un espace. Au final, c’est l’acte de créer, de se projeter sur une terre, et non pas son acquisition qui fait lieu. Une action spatiale, qui génère une étendue de toutes cultures et horizons, à la fois asile et seuil.
* Jean Cristofol, " distance et proximité dans un espace multidimensionnel" article publié en 2013 sur le site web antiAtlas: http//www.antiatlas.net
**Michel Foucault, extraits de la conférence " Des Espaces Autres" donnée le 14
mars 1967 à Paris.
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Le train, c’est cet ensemble de voitures qui relie les villes entre elles, nationales ou intercontinentales, malgré les différentes lignes qui marquent le sol. Nous avons un réseau de rails, différents réseaux qui s’interconnectent, qui dépassent les frontières, qui au final créent d’autres zones d’action. C’est ces lieux-itinéraires, qui s’entre-croisent et forment des pôles-carrefours, alternatifs aux
lieux dans lesquels on reste, ces endroits comme des conjoncture du monde, sans que personne ne s’en rende vraiment compte, constitués de rencontres muettes et aveugles, fugaces comme la disparition d’un envoi sur une boîte mail. De connexion physiques à connexions
virtuelles, la toile comme un réseau ferré, qui s’apposent aux
dessus des lignes de transit, de sol et d’air, qui font encore croître les confluences. Des lieux qui se créent par le mouvement,
qu’on ne notifie même pas, que l’on ne nomme même pas lieux, mais
qui sont là, et qui portent les mêmes traces que les gares et les
aéroports, des lieux de passages dans lesquels des milliers d’individualités passent sans jamais vraiment s’arrêter, y rester.
Avec cette dimension de vitesse, plus ou moins modulée, plus ou moins élonguée, avec des rythmes différents et parallèles qui dévient et se croisent. Ils sont lieux-seuils, ponctuant les lieux-itinéraires. Ils perdent les contraintes de territoire, de quoi est à qui, si le sol est plus au Sud, ou à l’Est. Les frontières sont traversées de part en part, et c’est ces réseaux de transit qui en percent les cavités. Elles sont perforées, puis oubliées. Quand on se penche localement sur les limites, à
l’intérieur d’un pays, des régions et départements, on réalise qu’à bord d’un train elles n’ont plus aucun sens, que l’on ne retient que les étapes, ne serait-ce que minimes. Ces lignes qui créent de nouveaux espaces, de nouvelles séparations au final, mais des limites qui bougent, qui ne sont lignes mais flux.