Paris - New York              
      

Instructions à destination de quelqu’un, ou de quelque chose, susceptibles d’avoir l’usage d’actions ouvertes. Les protocoles de Yoko Ono sont des événements en passe d’exister, morceaux de textes d’un plus grand ensemble, celui de l’édition Grapefruit, publiée en 1964. Map Pieces (1962/1964) sont des territoires en attente d’une possible naissance, de leur propre création, en attente de leurs premiers vagabonds. Ce sont des espaces en suspension, aléatoires, à disposition de chacun de manière à être activés. Ils offrent une infinité d’états possibles, de lieux hypothétiques auquel toute personne peut avoir accès. C’est plusieurs strates de réalités potentielles qui s’empilent les unes sur les autres, sans jamais avoir de coordonnées réelles, ou posséder de terres, sur court ou long terme. Elles ne dépendent que d’une entité mobile, celle qui les a conçu. Elles représentent une multitude de perceptions de l’environnement, uniques et subjectives qui se chevauchent et s’entrecroisent sans non plus s’entraver. Ce sont des espaces-entités, auquel le sol réel peut potentiellement se prêter, ou non, suivant leurs particularités. Les propositions protocolaires de Yoko Ono sont une tentative de faire lieu par l’action, d’offrir un sol à ces nations éventuelles ne serait-ce que furtivement, entreprendre et faire territoire par le corps. C’est un ensemble de relations qui se créent par l’action, un principe qui relie aussi l’ensemble des textes présents dans Grapefruit, mais que l’on retrouve chez d’autres artistes qui ont été associés à Fluxus, ce mouvement qui n’en n’est pas un, vraiment. Ces protocoles, ou guides à l’usage de futurs habitants de territoires hypothétiques, sont une fenêtre sur ce qui pourrait être, sur sa projection personnelle sur un espace donné, sur lequel sont associés sentiments, émotions et souvenirs, éléments qui nous définissent en tant qu’êtres pensants, individus. L’individu se projette sur l’espace, dans un état de mutation permanente, comme si x territoire devenait partie intégrante de l’essence qui le définit, et que lui aussi s’était mué en une singularité fondamentale définissant le lieu en question. Un dialogue se met en place, entre la carte, son créateur et le sol qu’il induit, mais aussi entre l’espace et le corps qu’il investit, comme un jeu de rôle interchangeable, quand l’espace devient corps et quand le corps devient espace, parce que pour se comprendre chaque élément a besoin de vivre l’expérience de l’autre. Quand l’espace devient ce nouveau corps mobile et changeant, et quand le corps est ce territoire/support de ces mouvements sources de nouvelles étendues. Pour réaliser qu’un territoire, qu’une nation ou qu’un paysage n’existe pas sans un corps prêt à l’activer, et que de même un corps ne peut être corps sans un espace existant.

        

 

C’est donc l’intrusion d’un corps qui active le territoire, soit l’ensemble des espaces probables induits par les protocoles proposés par Yoko Ono ne sont qu’à deux doigts de la réalité, dans l’entre-deux du virtuel et du physique. Qu’ils ne dépendent que de la participation active d’un corps brisant la suspension pour passer de l’autre coté. Que de possibles nations pour de nouvelles frontières abstraites fracturant l’espace libre toujours à actualiser, ou bien de nouveaux lieux flottants, indépendants du sol, mobiles; tant qu’il y a toujours un corps physique qui en a franchi le seuil.

      



        






















07/05_47.082882, 2.400211.

 

Retrouver sa place dans les choses inchangées, tenter de s’accrocher à un rythme de nouveau différent, ne plus parvenir à déterminer qui est l’étranger, le corps ou le lieu. S’effacer, collecter ce qui reste, lister les morceaux de temps consumés laissés dans les endroits que l’on quitte, faire du nouveau avec de l’ancien. Rassembler les pièces collectées, en faire un ensemble plus ou moins correct, faire le point. Retrouver le silence ou le bruit sourd de l’avant se liant avec l’après. Commencer le travail d’archive pour un temps donné, construire de nouvelles trajectoires dans le sur-place. Rester dans la transition en attendant la prochaine sortie.