Paris - New York               

Le territoire, la carte sont des fantasmes, fantasmes d’une unité, uniforme porté par nombres d’individualités. Vasset, parti à la recherche de fictions, devient explorateur du réel, et vient par l’expérience de son corps lever le voile qui entrave ce qui est, dans lequel le blanc et le vide ne sont que des histoires que le système cartographique occidental est disposé à conter de façon à toujours fuir les anomalies territoriales, auquel il refuse de répondre. Vasset « fait carte » avec ses récits, ses anecdotes. C’est presque oral-la captation d’un instant, d’une vue personnelle à un endroit précis. Un endroit réel. Réel par sa physicalité, une existence reconnue par ce récit d’expériences, celui d’un corps qui est le sien, qui en invite d’autres à partager les mêmes connaissances. Du fait que c’est un texte écrit, reste une ambivalence entre le papier et le conté. Entre la carte couchée et l’immatérialité de chants ou de rapports d’expéditions qui entretiennent les liens sociaux, dans les communautés minoritaires natives.

 

L’initiative de Philippe Vasset, et de celle de l’Atelier de Géographie Parallèle, collectif dont il fait partie, dans le milieu des années 2000, n’est pas un acte isolé. La parution de Non-Lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité de Marc Augé en 1992, mais aussi l’antécédence de la marche dans le Land Art, avec des artistes comme Richard Long ou Hamish Fulton qui sont moteurs d’activités semblables. Le collectif d’architectes italiens Stalker, et plus tard Stalker/ON, initieront des marches vers les vides ou espaces « indéterminés » dès les années 1990, d’abord autour de Rome, avant de déployer leurs actions plus largement dans les grandes villes de l’Europe de l’ouest. Un Livre Blanc, ou comme la définition d’un livre blanc l’indique, au delà d’une carte, est fait comme un manifeste. Un manifeste du vide, de ce qui est caché, des lieux en suspension, dans l’attente, entre le vœu d’indépendance et celui de faire partie d’un tout, auquel le tout ferme ses frontières.

 

Transpercé par des lignes qui persistent, malgré tous les corps de passage qui transpercent et traversent ces droites, des allées et venues qui effacent mais aussi affirment les bordures au sol. Parce qu’on part du principe qu’on va d’un endroit à un autre, d’un territoire à un autre, dont la nature est différente suivant la société qui l’occupe.

 

64.131973, -21.947066.

 

Arriver à l’aéroport vers 17 heures, consulter l’ensemble des destinations sur le tableau des arrivées et des départs. C’est encore un aéroport différent des autres. Il a tout d’une petite gare routière, qui envoie ses voitures sur les routes aériennes. Les petits espaces encouragent la proximité entre les voyageurs et leur prochain départ. Il a tout d’un lieu, presque situé en centre ville, participant à part entière à la cité. C’est un lieu de l’entre deux qui fait son choix sur quel côté de la frontière appartenir. Les véhicules qu’il abrite sont à l’image de l’espace qu’il les accueille, légers et réduits. Une fois à l’intérieur tout est resserré autour du peu de personnes qu’il transporte. Devenir part de l’ensemble de ces individus-espaces, qui portent en eux un sens de la proximité dû à l’appréciation des distances. Individus empruntant ces routes flottantes au-dessus des mers froides et de déserts gelés. Qui traversent  cette brume épaisse qui se disperse dans la clarté du sol, évoluant dans ce blanc dans lequel réside toutes les couleurs de la lumière, qui ne traverse que peu les limites gazeuses. Trois heures quinze de vol et plusieurs heures de décalage avec le point d’origine. Partir au seuil du soleil et arriver sans en avoir vraiment bougé, tout en sachant qu’il a depuis quelque temps disparu de sa dernière adresse.