Un territoire, c’est en premier lieu une portion de sol, délimitée par des frontières, appartenant forcément à un individu ou à un groupe défini, sur un sol toujours en relation avec les corps qui constituent la société qui l’investit. C’est en soi l’établissement d’un territoire qui définit l’amplitude de ces sociétés sur l’espace, une étendue autant physique, que sur des champs sociaux et économiques. C’est un état caractéristique de l’action et de la présence humaine, comme l’explique Claude Raffestin dans Espaces, jeux et enjeux (1986) : « Un territoire est un état de nature au sens où Moscovici (notes: Serge Moscovici, psychologue et historien des sciences) définit cette notion ; il renvoie à un travail humain qui s’est exercé sur une portion d’espace qui, elle, ne renvoie pas à un travail humain, mais à une combinaison complexe de forces et d’actions mécaniques, physiques, chimiques, organiques, etc. Le territoire est une réordination de l’espace dont l’ordre est à chercher dans les systèmes informationnels dont dispose l’homme en tant qu’il appartient à une culture ». L’appartenance du sol à un groupe, sociétal, social ou économique est ce qui détermine, entre autres, les frontières. Les frontières peuvent être décidées autant par la topographie de l’espace que par les groupes sociétaux qui en usent. Elles deviennent outil de représentation d’un groupe sur un autre, sur d’autres, support à la construction et au développement d’échelles de pouvoir, de valeurs économiques et sociales d’une société au détriment d’une autre, par des moyens divers, selon les entités et l’époque. Elles entraînent une hiérarchie de sols, à travers celle des puissances sociétales, échelles de parcelles, sans parler des individus sans-terres, qui n’en ont plus ou qui n’en ont jamais eu. Des groupes entiers à qui a été retiré le droit au sol, au patrimoine que seulement les terres peuvent renfermer. Elles sont à ce moment là représentées par une cartographie, qui n’est jamais neutre, et portraient des divisions au profit d’unifications de sociétés plus puissantes, qui séparent et/ou unifient les sols, divisent les cultures, hiérarchisent les groupes.
Un système qui s’ancre profondement dans la relation qu’une société entretient à l’espace, qui la caractérise dans son essence. La carte est cet objet plan qui fige toutes les délimitations, qui rend pérenne et réelles des lignes imaginaires. Elle lisse les reliefs et les sols, avec toutes les communautés qui lui appartiennent. Il y a cette dimension silencieuse dans l’unité d’une carte, comme en parle Giovanna Zapperi : « La cartographie se réfère à la représentation de l’espace et des relations spatiales à travers un language qui traduit une complexité multidimensionnelle en un ensemble bidimensionnel de lignes de séparation. La carte est le résultat d’un processus d’abstraction dans lequel la différence est masquée afin de produire une image homogène et de répondre à l’ambition de décrire et de contenir la diversité sur une surface plane» (Narrations Cartographiques, dans Géoesthétique, Aliocha Imhoff et Kantuta Quirós, Page 29, Lignes 22/31 ). Une union jouée par l’épuration d’informations, le manque de représentations, sans aucune figures, par dessus le réel. La carte comme une surface sur laquelle seraient effacée toutes les fissures suite à l’instauration des séparations, comme des murailles plantées dans la terre, plus ou moins perméables, mais toujours sous forme d’obstacle. Des parois qui créent des cuves, dans lesquelles sont contraintes communautés et minorités, le plus souvent en fonction de leurs différences, sur le plan culturel autant que sur le plan économique et social. Recluses dans des divisions territoriales, des tranchées-fractures, à la porosité variante et menées par la prépotence des groupes majoritaires. Une répartition du sol qui crée un rhizome de dichotomies, entre les sociétés, les nations, les groupes, communautés et individus, avec des entités en haut de l’échelle ayant le pouvoir sur celles qui restent.
26/02/18_47.082882, 2.400211.
Premiers pas vers la gare, les
marches du train jusqu’au prochain quai. Viser les lieux familiers,
y parvenir en sachant que l’on y restera pas, qu’ils deviennent eux
aussi des seuils avant d’en repartir, que pour la première fois on n’en partagera même pas le sol. Le principal est leur caractère
furtif. Partir du centre au Nord-Nord Est de la région capitale.
Enregistrer une nouvelle fois ces lignes déjà connues et se rappeler
que quel que soit le moment où elles sont franchies, le jour de les
quitter est toujours un peu plus proche. C’est une question de
rendez-vous avec le temps et les différents espaces, de lieux en
dates et en événements.
Aller de points en points, dessiner une
progression. Tracer un trait fini, avec deux extrémités. Un début et une fin, parts d’un plus grand assemblage dont on ne connait
l’apogée.